To be Cartesian or not to be? Opposer l'analytique et l'immersif, ou les associer ? Vous me direz que globalement, tout est faisable en musique. Mieux, que tout est conseillé. Que si chaque écoute de Streetcleaner de Godflesh nous irrigue d'un sentiment de rage pure, rien ne nous empêche d'expliquer l'album en des termes plus froids, de décortiquer chaque riff et chaque texte. C'est juste d'un ennui monstre. Je rejette l'analyse. Je veux ressentir puis transmettre, point barre. Pourtant, je me retrouve bien con devant le troisième album du projet français. Il n'y a pas plus émotionnel que ce type de musique ; à l'instar d'Aluk Todolo, P.H.O.B.O.S. dégage une transe tellement sombre qu'il est impossible d'y poser un orteil à moins d'y être préparé. Sous-entendu : si la vie est belle, s'il fait beau, si on porte des tongs, Atonal Hypermnesia est imperméable. J'aurai aimé pouvoir attendre l'automne avant de vous en parler car oui, pour qui sait s'abandonner face à la musique, il y a des disques de saison et des disques d'humeurs. Une musique industrielle puant l'instinct suicidaire ne s'appréhende pas comme le premier disque de funk venu. Aujourd'hui, je peux vous dire combien cet album est intense, profond, combien chaque sample, chaque hurlement sous-jacent (excellent choix de production), chaque martèlement, chaque corde qui vibre est soigneusement pensé. Combien le son est dantesque. Je peux le dire car je peux le pressentir, mais pas encore le ressentir : lorsque le contexte s'y prêtera, en novembre, je promets que je défendrai Atonal Hypermnesia avec la haine la plus passionnée, la plus viscérale possible. Ce jour-là, sachez que P.H.O.B.O.S. sera l'un des projets les plus puissamment glauques qui soit. " Pire " que Khanate ? Non, à peu près équivalent. Différent, pas franchement plus gai, ni moins réfléchi. Personne ne s'étonnera donc de trouver James Plotkin, l'un des cerveaux du projet américain, derrière le master de Atonal Hypermnesia. P.H.O.B.O.S., ou le croisement aride et sans concessions entre Godflesh, Blut Aus Nord et, donc, Khanate. Impressionnant.

 

- Alexis Laffillé (8,5/10) / Hard Rock Magazine #41 july 2012

http://www.hardrockmag.fr/v3/

 

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