Décadence et dissonance sont les maîtres mots du lexique musical radical dicté par P.H.O.B.O.S. depuis quelques années. A l'image d'un Meathook Seed en son temps pour l'axe death metal, ou des premières forfaitures heavy industrielles du Scorn de Mick Harris à l'époque Vae Solis, le trio hexagonal (Frédéric Sacri, Mani Ann-Sitar, Magnus Larssen) transpose l'univers apocalyptique du métal extrême, et notamment d'un black-doom metal mortifère, dans un environnement industriel délétère et souffreteux, peuplé de soli grinçants et de trames sonores vacillantes (si Dylan Carlson/Earth œuvrait dans le black metal, le résultat pourrait bien ressembler à "Smothered In Scoria"), élevant au rang de marches funéraires des nappes rythmiques ankylosées rappelant les syncopes nauséeuses du MoRT de Blut Aus Nord ("Igneous Tephrapotheosis"). Pas surprenant donc, qu'outre son EP, le groupe ait déjà collaboré avec Vindsval sur un split album et continue d'explorer ses lentes digressions alchimiques en polissant toujours sa matière auditive sonique d'une perversité aussi glaçante que foisonnante, quelque part entre la démesure cérémonielle d'un Mayhem période Ordo Ad Chao (le chant messianique s'élevant d'"Aljannashid") et la sauvagerie d'un Gnaw Their Tongues. Pourtant, P.H.O.B.O.S.sait aussi jouer la carte de l'ambivalence. Lorsque ses pulsions se font moins sauvages, il découvre une ligne martiale rampante, qui n'a rien à envier à Godflesh ("Zam Alien Canyons"), groupe auquel P.H.O.B.O.S. a de tout temps été comparé. Cette base lui sert de canevas pour brouiller les pistes, détourner sa virulence dans une hérésie black'n'roll vertigineuse mais presque dépouillée ("Neurasthen Logorrh"), tracer l'ombre inquiétante de trajectoires shoegaze vouées aux gémonies ("Biomorphorror") ou façonner un psychédélisme dark brut de décoffrage ("Taqiyah Rhyzom"). De quoi en tout cas faire de cet exercice de catharsis revendiqué, une expérience musicale ultime.

 

- Laurent Catala / sep. 2018 (8,5/10)

 

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