Il y a environ treize ans, P.H.O.B.O.S. avait osé bousculer les codes en proposant Tectonics, un album aussi atypique que révolutionnaire. Depuis, Frédéric Sacri n’a eu de cesse de repousser les limites, au point d’amener son singulier projet au-delà des expérimentations. Phlogiston Catharsis serait donc une sorte d’apothéose ? Son créateur vous en dit plus …

 

Comme évoqué, ton premier album est sorti en 2005 chez Candlelight. Tu y dessinais déjà les contours de P.H.O.B.O.S., mais on était encore très loin de ta musique actuelle. Quel regard portes-tu sur cette évolution?

Pas vraiment d'analyse, juste la constatation que chaque album a été composé en phase avec mon état d'esprit; et qu'il possède sa propre sonorité suivant mes moyens et connaissances techniques du moment. Responsable de quasiment toutes les étapes, et libre de toute contrainte (line-up, studio, label, live, etc.), on peut dire que le chemin discographique de P.H.O.B.O.S. est un reflet plutôt fidèle de mon cheminement personnel.

 

"Phlogiston Catharsis" est un album aussi cohérent qu’opaque, qui parvient à associer la lourdeur du doom aux sonorités industrielles, avec une sorte d’aura black metal. Te fixes-tu des limites, ou cette cohésion entre les morceaux se fait naturellement?

P.H.O.B.O.S. n'appartenant à aucun genre précis, malgré les appellations employées pour me catégoriser, aucune limite artistique n'est fixée. Uniquement modelé par l'écoute compulsive de musiques très différentes, j'ai la chance de ne pas avoir suivi d’éducations théorique et pratique. Je compose mes pièces avec comme seule exigence que le rendu sonore reste lourd, psychédélique et malsain; et défriche de nouveaux terrains.

 

Cette aura black metal ne t’a jamais quitté, et comme le split avec Blut Aus Nord en témoigne, ta musique complète parfaitement le spectre. Pourrais-tu amener P.H.O.B.O.S. sur un terrain plus tranché black metal?

Ayant été témoin de ses balbutiements dans les 80s, et guidé par Bathory, le black reste pour moi le son le plus libre issu du "métal occulte"; ce n'est qu'ultérieurement qu'il a été enfermé dans des codes, auxquels je ne me sens aucunement soumis. Donc "un terrain plus tranché black metal", ça ne me parle pas vraiment. Innover au service d’un feeling toujours plus macabre et transgressif me semble plus approprié.

 

Tu es par ailleurs revenu à des titres plus courts (tous en dessous des 7 minutes). Est-ce par choix?

Après trois albums construits très différemment, mais suivant un fil commun, je voulais restituer la substance de chacun d'eux au travers de morceaux efficaces et dynamiques. Cela a impliqué d'éviter le piège de la répétition des structures accrocheuses, d'où l'impact sur les durées.



A l’instar de bien des groupes de la scène doom actuelle, tu as rejoint l’écurie indienne de Transcending Obscurity. Pourquoi ce choix? Comment cela s’est-il passé?

Assez simplement. Très enthousiaste après l'écoute de l'album, Kunal Choksi m'a immédiatement proposé un contrat détaillé que j'ai accepté. Une signature qui m'épargne l’énorme travail que constituent la sortie, la promotion et la distribution de l'album via mon propre label Megaton Mass Products.

 

Les groupes officiant dans un registre industrial doom ne sont pas légions, et très peu montent sur scène. Sauf erreur, tu n’as plus foulé les planches avec P.H.O.B.O.S. depuis 2003. Envisages-tu de rejouer en live, sachant que la technologie sonore a diablement progressé en quinze ans ?

Jamais. D'abord, de part la complexité des textures et des effets à restituer pour ce type de musique, les "performances" se solutionnent trop souvent par un malhonnête karaoké devant un laptop ; à moins de disposer d'un budget conséquent pour monter une formation live d’au moins cinq musiciens. Mais surtout, répéter des vocaux issus de sentiments profonds et extrêmes, afin de divertir une audience, relève pour moi de l'impudeur. "Content d'être là", "défendre l'album sur scène" ou encore "échanger avec le public" ne font pas partie de mes motivations avec P.H.O.B.O.S. Toute création musicale n'est pas destinée à finir en sensationnalisme visuel. Le son, lorsque pertinent et mystérieux, doit se suffire à lui-même, au-delà de l'humain.

 

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